Hier, des milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Calais pour soutenir les migrants. Une cinquantaine de personnes, dont une majorité de migrants, ont pu monter à bord du ferry reliant la France à l’Angleterre. Trente-cinq d’entre elles sont toujours en garde-à-vue à l’heure où nous écrivons. Reportage. Version anglaise / English version →
A Paris, l’appel à manifester ce samedi à Calais a rencontré un tel succès qu’un sixième car a du être affrété. En effet, nous étions trente-trois personnes arrivées tôt ce samedi matin Porte de la Chapelle sans certitude d’embarquer, n’ayant pu êtres inscrites au préalable. Nous sommes arrivés dans la jungle vers 13h30, juste pour le départ de la manifestation. Voici quelques vues, très impressionnantes pour qui la découvre, de la jungle à notre arrivée et de la tête du cortège :
La vie dans la jungle est rude, et les difficultés sont encore augmentées par la pluie, l’humidité et le froid. Les migrants, actuellement 6000, y passent souvent plusieurs mois avant de pouvoir éventuellement franchir la frontière. Ceux qui sont arrêtés lors de leurs tentatives sont impitoyablement violentés par la police, tabassés et arrosés de gaz lacrymogènes, et se voient même confisquer des effets personnels. Voici deux témoignages que nous avons pu recueillir en ce sens, émanant d’un réfugié afghan et d’un réfugié pakistanais (en anglais) :
Partis à 5000 personnes, nous n’étions plus que 2000 à 3000 à l’arrivée1 de ce qui fut une belle manifestation, dont l’ampleur fera date. Des militants venus des quatre coins d’Europe étaient également présents. Écouter quelques unes des revendications scandés par les collectifs de sans-papiers :
Discrète aux abords immédiats de la manifestation (sauf à un endroit où la tension avec des CRS aux aguets postés sur un trottoir était palpable), la police n’en bouclait pas moins complètement le centre-ville avec des camions anti-émeutes :
En dehors des calaisiens qui soutiennent les migrants, force a été malheureusement de constater que les quelques habitants aperçus le long du parcours étaient plutôt réservés, voire hostiles, certains arborant fièrement le drapeau français depuis leur balcon :
Deux incidents notables ont eu lieu avec des personnes franchement marquées à l’extrême droite. Lors de l’un d’eux, un habitant a même menacé les manifestants avec un fusil (vidéo Taranis News) :
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=Pc1G_pa1-c8&w=560&h=315]La manifestation est arrivée vers 16 heures place d’Armes. Une heure plus tard, un groupe de plusieurs centaines de personnes enthousiastes, dont de très nombreux migrants, s’est dirigé vers le ferry pour Douvres qui était à quai, brisant plusieurs des barrières bloquant l’accès au port. Une cinquantaine a réussi a monter à bord, bloquant le départ du ferry jusqu’à 20h30 (voir aussi la vidéo de Skynews). Si trente-cinq personnes dont vingt-quatre migrants ont été arrêtées et sont actuellement en garde à vue sous le coup d’accusations d’intrusion sur une zone sécurisée et pour certaines d’intrusion sur le navire, cette action reste une vraie victoire, qui n’a pu que donner du baume au cœur aux migrants et à ceux qui les soutiennent.
🔴URGENT CALAIS Fermeture du port après intrusion de migrants sur le ferry “Spirit of Britain” pic.twitter.com/JTJh2ymjKe
— infos140 (@infos140) 23 Janvier 2016
Prise de court, la police est finalement arrivée sur les lieux, jetant plusieurs personnes à terre (j’en faisais partie) et bloquant tous les accès au port. En dehors des occupants du bateau, 110 personnes ont été « raccompagnées » dans le centre-ville.
Dans la soirée, une nouvelle est tombée qui a toutefois terni cette belle journée : un Syrien, au départ donné pour mort, a été retrouvé près de la jungle dans un état grave. La police a parlé d’un « malaise cardiaque », mais plusieurs témoins ont vu des agents frapper ce migrant. Au dernières nouvelles, des représentants du personnel hospitalier parlent d’un « infarctus à la suite de coups », selon un de nos contacts restés sur place.
Dernière minute : on apprend qu’une manifestation raciste de commerçants est en train de se dérouler à Calais, aux cris de « No Borders dehors ! Calais aux Calaisiens ».
O. G.
PS : On peut suivre l’évolution de la situation sur Paris-Luttes.info. Voir aussi les vidéos de Calais Migrant Solidarity.
La différence s’explique sans doute par la peur bien compréhensible de nombreux migrants de quitter la jungle et d’être éventuellement arrêtés dans le centre-ville, ou d’être confrontés à des regards hostiles. ↩